Autrefois, Bédiani était tristement célèbre pour héberger un asile de fous, désormais fermé. Cela lui vaut le privilège de figurer sur les cartes, pas de bénéficier de routes asphaltées. Il nous aura fallu 4h30 pour parcourir les 90km qui séparent Tbilissi de ce petit village de la région de Tsalka en Géorgie.
Après la guerre civile, des religieux de Tbilissi ont décidé de monter une structure afin d’accueillir les orphelins qui, toujours plus nombreux, venaient quotidiennement réclamer de la nourriture aux portes de leurs églises. Un premier centre fut donc construit à Dzegvi, non loin de Mtskheta, l’ancienne capitale de Géorgie.
Rapidement, les bénévoles qui officiaient au centre et s’occupaient des orphelins se sont rendus compte que la seule solution pour sauver définitivement ces enfants était de les faire partir loin de la tentation quotidienne de la rue. Les sortir du centre pour les sortir du « vide », les extraire d’une logique où se confondent bien et mal sans distinction, partir à la campagne pour mieux retisser les liens. Qu’ils soient dentistes de formation, botanistes, ingénieurs cartographe, ces hommes et femmes, tous citadins à l’origine, ont décidé d’aller s’installer à la campagne, coupés de tout, pour réapprendre à ces enfants écorchés l’amour et la paix. Difficile d’imaginer ces encravatés devenir d’un coup paysan, faire leur propre pain, cultiver leur potager, traire la vache ou saigner le veau pour la Pâque quand on ne connaît au départ que bitume et métro. Ils rachèteront 7 maisons dans le village, recomposeront des familles entières et donneront un cadre à chacun.