La plupart du temps, l’expédition Step by Steppe pose son imprimante au gré des rencontres et des émotions. Depuis notre départ de Paris, jamais nous n’avions arrêté de plan d’intervention, jamais nous n’avions identifié à l’avance les endroits où officier. Sauf à Dushanbé, où avant même de partir de Paris, nous avions pris contact avec une femme formidable, Danièle Mane, que nous ne connaissons qu’en écriture et en échanges de mails. L’histoire tragique d’une mère dont la fille décide d’offrir sa vie pour les enfants des rues de Dushanbé et que le destin a emporté, prise en otage pendant la guerre civile qui a ravagé le pays et la capitale, entre 92 et 97. Kareen Mane voulait consacrer sa vie à ces enfants démunis. Elle aura perdu la vie pendant l’assaut et comme dans une légende, sa mère s’efforce depuis de faire vivre un centre et sa mémoire, unanimement respectée dans la capitale. Des enfants, des habitants, des ONG, comme des diplomates que nous avons rencontrés.
L’ONG Acted nous introduit auprès de Mavjuda, qui gère le centre sur place. Dans son bureau, encadré, l’Ordre National du Mérite. Mavjuda nous parle de Danièle, de Kareen, des enfants, des autorités casse-pied, d’Acted qui les soutient, du manque de moyens, de ses multiples idées pour faire bouger la condition des enfants des rues. Voyage au cœur du centre. On découvre une cinquantaine de traine-savates* - ils sont près de 300 le reste de l’année-, un grand réfectoire, des femmes à poigne pour les canaliser, une ravissante jeune doctoresse en blouse blanche qui les suit médicalement jusqu’à la moindre carie, un dortoir, une salle d’ordinateurs, une salle de musique, une salle de télé, une salle de jeux et un vaste atelier de couture. Aux filles on apprend à coudre, à confectionner des colliers de perle et des sacs. Chaque article porte le nom de celle qui l’a confectionné. On leur apprend à chanter, à danser. La plupart des enfants habitent en banlieue, dans des taudis miséreux, avec leurs parents ou une famille éloignée qui les a récupérés. Ils traînent dans les rues, entassent des briques de terre cuite ou vendent des sacs plastiques au bazar pour se faire un peu d’argent. Ils traînent en petite bande, filles et garçons séparés, tous âges confondus.
Le premier jour, Saidmona, grosse bonne femme aux yeux affables, qui les tient à bout de bras, nous dresse une liste des participants. Nous décidons de nous y plier mais avons du mal à ne pas promettre un appareil à ceux qui nous suivent les yeux suppliants dans l’espoir de récupérer des miettes de caméra. L’arrivée de deux molosses nous inquiète un instant. Les autorités tadjikes sont en général assez fâchées avec les caméras, et nous filmons déjà. À l’évidence ces sérieux-là sont des policiers mais ils n’ont que faire de notre caméra. Une bombe artisanale a explosé dans un bazar en périphérie de la ville et ils veulent savoir si l’un des petits est impliqué. Ils savent que pour quelques somoni**, il est facile de convaincre un enfant de déposer un colis près d’une poubelle.
Chaque jour, nous retrouvons une trentaine enfants, WE compris, matin et soir, pour redistribuer les caméras, remplacer les piles et télécharger leurs centaines de photos. Pour tenter aussi de réparer des appareils matraqués. Ils en prennent soin comme la vie l’a fait pour eux. Dès que Kubilai pointe son nez au coin de la rue, c’est une nuée d’enfants qui nous accueille en courant et criant. Et chaque fois, des suppliques et des mimiques pour réclamer un appareil supplémentaire. Nous n’avons que 10 appareils à distribuer, 2 sont sur le point de lâcher, il nous en aurait fallu plus d’une trentaine pour cet atelier.
On nous avait prévenu mais n’avons pas voulu respecter la fameuse liste de Saïdmona et avons fait tourner les appareils pour que chacun puisse y goûter. Ce qui devait arriver arriva. Huslav vient nous raconter en pleurnichant comment son grand frère Muhammad s’est fait volé son appareil photo au bazar. Le staff est paniqué, désolé, profondément inquiet de l’image qu’on pourrait donner du centre. Nous les rassurons rapidement. Au même titre qu’un appareil peut tomber par terre (c’est arrivé) ou dans l’eau (c’est arrivé), aussi bien les piles sont mordillées pour en sortir plus de jus (c’est arrivé), un appareil peut être volé. C’est la règle d’un jeu qui nous dépasse et que nous voulons ainsi. Nous ne sommes nullement amers ; nous pensions même devoir y être confronté plus tôt. L’histoire pour nous est déjà presque oubliée, pas pour Saïdmona, qui deux jours après revient vers nous triomphante, l’appareil dans les mains. « Je les connais ces frères-là, et je ne leur fais pas entièrement confiance. Alors je suis allé leur rendre visite, chez leur mère, l’air de rien. D’emblée, je leur ai dit de ne surtout pas s’inquiéter pour le vol du bazar. Qu’en fait, ces appareils photos sont des appareils américains. Dedans on y trouve une puce qui permet d’identifier automatiquement le voleur. 15 minutes après, l’appareil réapparaissait comme par miracle sur la table » nous dira-t-elle en riant.
A l’image de l’énergie qu’ils dégagent, les enfants n’auront cessé de shooter, à longueur de journée. Enormément de photos de nous, énormément de photos d’eux. La vie plus que les choses auront été prises en photo. Nous apprendrons aussi qu’il est inconvenant de prendre une photo de quelqu’un qui porte le deuil, que pour se faire belle, les femmes doivent se noircir les sourcils et les raccorder d’un trait fin et noir avec l’ouzma, une plante verte, qu’il faut presser longuement entre ses mains. Nous découvrirons, par leurs photos, leur lieu de vagabondage, leurs jeux, le décrépit de leur toit. Nous suivrons Karoma au bazar, hésitant d’abord à shooter les vendeurs, puis sans gêne à prendre en photos des policiers. Nous l’accompagnerons jusque dans les faubourgs de la ville, chez ses parents et ses 3 frères, dans une pièce de 3m2 avec pour seul meuble une télé mouchetée. Avec ces sourires et cette morve au nez, on avait fini par oublier qu’il était moins bien né que d’autres.
* l’expression est de Danièle
** monnaie locale tadjik
il est magnifique votre article sur Dushanbe, merci pour cette joie que vous donnez aux enfants et les émotions que vous nous donnez à vivre.
Rédigé par : kimanh | 29 août 2006 à 07:10
salut
C'est Lilia vous devez pas vous souvenir de moi mais ptetre alexandra ma maitresse alors j'était en Cm1A maintenant je v en 6°
On a prit des photo et tout alors c t super
je me souvien plus vos prenom mes je vs remercie de ns avoir apris tout sa et en +
vs conytinuer partt dans le monde
Merci et Bravo
Rédigé par : lilia | 29 août 2006 à 11:31